Blocus, pénuries de nourriture : une situation humanitaire « indescriptible »

« Il est impossible de mettre en mots la profondeur de la crise que traversent les habitants et habitantes de Gaza », affirme Elizabeth Courtney, conseillère humanitaire pour l’ONG CARE. Après plus de 20 mois de conflit sous un blocus israélien permanent, l’aide humanitaire a été drastiquement restreinte, laissant les populations lutter pour leur survie. En mai, un blocage total des livraisons a même été imposé, marquant la plus longue interruption complète depuis le début du siège.

« Bien que quelques aides aient pu entrer ces dernières semaines, l’accès reste extrêmement limité et étroitement contrôlé », précise Courtney. Résultat : des conditions de pénurie extrême et une faim qui s’étend. Chaque jour, la population est forcée de se battre pour obtenir les biens les plus essentiels : nourriture, eau potable, médicaments et abris.

« La plupart des gens ont dû fuir plusieurs fois, et pour survivre, ils doivent recourir à des mesures désespérées, comme tamiser des insectes dans de la farine moisie pour la consommer. »

Elizabeth Courtney, conseillère humanitaire pour CARE

Personne n’est épargné les conséquences terribles du blocus

Des enfants en état de malnutrition

Nos équipes et celles de nos partenaires locaux observent dans leurs cliniques des cas de malnutrition alarmants : « Des mères viennent avec des enfants de deux ans qui ne pèsent que 2 kilos », déclare Courtney. La souffrance physique est omniprésente. Mais la détresse psychologique est tout aussi aiguë : « Tous pleurent un proche tué dans les mois interminables de violence. »

Le personnel des ONG aussi touché par le blocus

Le personnel humanitaire n’est pas épargné. « Nos collègues à Gaza font face aux mêmes pénuries alimentaires extrêmes. Les demandes répétées pour acheminer des fournitures spécifiques à leur bien-être ont été systématiquement rejetées par les autorités israéliennes. »

« Nos équipes locales deviennent à leur tour nos bénéficiaires : affamées, désespérées. »

Elizabeth Courtney, conseillère humanitaire pour CARE

Pourquoi la famine n’est-elle pas encore déclarée officiellement ?

L'info à savoir : comment est déclarée une situation de famine ?

Selon le système IPC (Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire), une famine est déclarée lorsque deux des trois indicateurs suivants dépassent des seuils critiques :

  • Insécurité alimentaire
  • Malnutrition aiguë
  • Mortalité

Les données doivent ensuite être validées par un comité d’experts internationaux indépendants.

Mais à Gaza, les données fiables manquent. « Le système de santé est paralysé, les déplacements sont extrêmement limités, et seuls quelques centres de traitement fonctionnent encore. Les données disponibles ne reflètent donc qu’une minorité de la population, souvent dans une situation légèrement moins dramatique », explique Elisabeth Courtney.

Le paradoxe est cruel : « Le système IPC donne une photographie à un instant T — or cette image dépend elle-même des conditions d’accès humanitaire ».

« Attendre que 30 % des enfants présentent des signes de malnutrition aiguë pour déclarer une famine est tout simplement inhumain. Le moment d’agir, c’est maintenant. »

Elizabeth Courtney, conseillère humanitaire pour CARE

Une famille dans les décombres à Gaza
Une grande partie de Gaza a été bombardée © CARE
Une petite fille dans sa tente dans un camp de déplacés à Gaza
Les populations déplacées vivent sous des tentes à Gaza © CARE

Comment la faim s’insinue chez les populations gazaouies

« La famine suit une progression tragique mais prévisible », poursuit-elle. On commence par sauter des repas, puis les stratégies de survie s’effondrent.

Ensuite, la malnutrition aiguë augmente, en particulier chez les enfants. « À Gaza, cela se produit déjà. En juin, les taux de malnutrition ont doublé dans certaines zones. »
La malnutrition étant un indicateur retardé, ses effets visibles n’apparaissent qu’après une longue période de privation. Et une fois que ces signes sont répandus, la mortalité s’emballe — surtout dans un contexte où les infrastructures sont détruites et le système de santé en ruine.

L’aide humanitaire des ONG attend aux portes de Gaza

Même si une famine est officiellement reconnue, cela ne lèvera pas automatiquement les obstacles humanitaires.

« Le blocus imposé par Israël empêche les ONG de sauver des vies. Ce mur bureaucratique et politique pourrait être levé par un simple appel téléphonique, mais en attendant, nos camions d’aide pourrissent sous la chaleur, à quelques kilomètres de Gaza. »

« Si une famine est déclarée, ce sera le témoignage de l’échec de notre humanité collective. À Gaza, les gens se battent pour survivre depuis 20 mois, tandis que les puissants débattent de seuils, de définitions, de chiffres. »

Elizabeth Courtney, conseillère humanitaire pour CARE

Agissons pour éviter le pire

Pour prévenir une famine généralisée à Gaza, les mesures à prendre sont claires :

  • Un cessez-le-feu immédiat et durable.
  • Un accès humanitaire libre et sécurisé, garanti par une coordination des Nations Unies fondée sur le droit international humanitaire.
  • La levée du blocus, afin de permettre l’acheminement de l’aide stockée à proximité de Gaza.

« Il ne suffit pas de distribuer des colis alimentaires. Les gens ont besoin d’eau potable, de carburant pour cuisiner, de médicaments. Pour sortir de la malnutrition, il faut des régimes diversifiés, et les enfants ont besoin d’aliments thérapeutiques spécialisés. »

Et elle conclut : « Tout cela peut être livré. Ce qu’il manque, ce n’est pas l’aide, mais la volonté de la laisser passer. »

Une femme pleure dans les décombres des bombardements en Palestine
Une grande partie de Gaza a été bombardée © CARE
Un camion de l'ONG CARE distribue de l'eau potable aux populations à Gaza
Les ONG tentent de continuer à fournir des vivres © CARE

Malgré la guerre, l’ONG CARE continue d’apporter une aide humanitaire

Présente en Palestine depuis 1948, CARE continue d’agir dans des conditions extrêmes. Depuis l’escalade du conflit en octobre 2023, nous avons pu fournir une assistance vitale à plus de 850 000 personnes :

  • Distribution d’abris d’urgence, d’eau potable, de nourriture, de couvertures, de matelas, de kits d’hygiène et de soins médicaux.
  • Soins de santé dispensés dans plusieurs cliniques, dont un centre médical à Deir Al-Balah, qui accueille chaque jour des centaines de patients. Mais les stocks de médicaments s’amenuisent, et nous approchons de la rupture.
  • Distribution d’eau par camions auprès des communautés déplacées.

En parallèle, CARE poursuit son action en Cisjordanie, où les besoins humanitaires augmentent en raison des déplacements forcés de population.

En savoir plus : Nos équipes ont témoigné de la situation sur place dans le quotidien Libération du 26 juin 2025. 

Apportez une aide vitale aux populations affectées par les crises humanitaires

Partout dans le monde, les catastrophes naturelles se multiplient et les conflits s’intensifient, brisant la vie de millions de personnes. Les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée, étant les premières victimes des abus et des violences.

CARE est l’une des rares ONG de solidarité internationale à agir avant, pendant et après les urgences. Grâce à notre fonds dédié aux urgences, nous pouvons :

  • Préparer les populations en amont afin de limiter les pertes humaines en cas de crise : mise en place de systèmes d’alerte et de plans d’évacuation…
  • Mobiliser immédiatement nos équipes locales lorsqu’une urgence frappe, sans dépendre de la médiatisation ou des fonds institutionnels : distribution de nourriture, d’eau potable, d’abris, de médicaments…
  • Rester sur place par la suite pour participer à l’effort de reconstruction et aider les familles à se relever et redémarrer leur vie : réhabilitation des écoles et des hôpitaux, accompagnement psychosocial, soutien à l’entreprenariat…

Soutenir notre fonds d’urgence, c’est sauver des vies chaque jour !

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